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CHAPITRE HUITIÈME

entr’ouverte, se laissant aller à une paresse toute orientale. Elle aimait tendrement son mari et s’occupait beaucoup de ses enfants, mais elle était sans volonté et n’avait aucune influence sur le Roi. Elle laissait faire, se plaignait rarement et supportait tout pour ne se donner ni peine ni tourment. « Ce n’est point la femme qui convient à Victor », disait Charles-Albert, qui aurait désiré trouver dans sa belle-fille une personne plus ferme, capable de guider son mari. La malheureuse reine laissait six enfants : l’aînée, la princesse Clotilde, n’avait pas encore douze ans.

Un troisième deuil, plus imprévu encore, vint frapper quelques jours après la maison de Savoie déjà si cruellement éprouvée. Pendant la maladie de sa mère, le charmant duc de Gênes,qui se relevait à peine d’une maladie de poitrine pour laquelle on avait comme toujours abusé des saignées, se fatigua beaucoup et prit froid en allant et venant de son appartement à celui de sa mère par des galeries non chauffées. Le chagrin et l’émotion aggravèrent son mal ; il eut une rechute et fut saigné encore deux fois. Les médecins le déclarèrent guéri de la poitrine, mais il était sans force, gagné par. l’hydropisie. Il fit son testament, laissant à sa femme les deux tiers de l’usufruit de sa fortune si elle restait veuve et ne quittait pas le Piémont. Le 10 février, à dix heures