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MES SOUVENIRS

fréquentes apparitions en Russie, ainsi que je le désirais, ils auraient sans doute affaibli des défiances, réveillé des sympathies, ou tout au moins contre-balancé l’influence des premiers.

Pendant que nous revenions à Saint-Pétersbourg, le comte Piper nous raconta le sort cruel que Pierre le Grand avait fait subir à un de ses aïeux, prisonnier de guerre. Il le condamna à mourir de faim, ordonnant par un atroce jeu de mots qu’on ne lui donnât à manger que du poivre (piper).

Il y a en Suède une légende curieuse sur cette noble famille : son chef possède une chaîne d’un métal inconnu. Un Piper en guerre avec les Suédois révoltés contre leur souverain avait été assiégé dans son château et grièvement blessé. La situation paraissait désespérée. N’attendant aucun secours, il avait promis de se vouer au diable, corps et âme, s’il le tirait d’affaire. La nuit, un petit homme, au pied fourchu, lui était apparu près de son lit : « J’ai entendu votre vœu, j’accours et j’accepte. Vous serez toujours heureux, vous et votre descendance ; votre race ne s’éteindra pas, et vous resterez propriétaire de ce château tant que vous conserverez la chaîne que je vous remets en signe de votre engagement. »

En 1658, l’armée suédoise assiégeait à la fois Copenhague et Elseneur. Erik Piper, chef de la famille,