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CHAPITRE DEUXIÈME

reur de Russie, en Russie que de l’Allemagne ; quant à la France, il semblait qu’elle n’existât pas. On ne lui reconnaissait de force que pour se conserver elle-même contre l’influence des idées socialistes et révolutionnaires.

Ce sentiment peu bienveillant que je remarquai chez la plupart des hommes politiques n’était toutefois pas ouvertement exprimé par ceux qui gouvernaient. Ces derniers avaient trop de tact, trop de prudence et d’habileté pour laisser voir le fond de leur pensée. Ils s’efforçaient au contraire de la cacher par les procédés les plus polis, par les paroles les plus flatteuses. On devinait aisément cependant dans leurs réticences ce qu’ils avaient au fond du cœur, et on trouvait dans cette réserve la preuve d’une disposition peu amicale. Tout est forme à la cour de Russie ; si l’on ne demande que des paroles, on en est prodigue ; mais lorsqu’il s’agit de prouver ce qu’on dit par des actions, alors tout devient difficile.

Lorsque l’Empereur parlait du Prince Président, il se servait constamment des formes les plus aimables, mais à leur suite venait toujours une phrase dans laquelle perçait, malgré lui, l’inquiétude. « Il faut, disait-il, que le Prince ne gâte pas sa position, qu’il continue à gouverner avec sagesse. » La véri-