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de la peſte de Marſeille


que devenir ; elle ne ſe voit auprès ni parens, ni amis, ni voiſins ; il ne lui reſte que la triſte image des morts, dont elle eſt encore troublée : bientôt elle eſtime le ſort de ſes freres décedés plus heureux que le ſien. Tantôt c’eſt un Domeſtique que le Seigneur a bien voulu conſerver, pour ſecourir ſes Maîtres : il leur a rendu à tous les derniers devoirs : le voilà ſeul dans une grande maiſon, qui reſte à ſa diſpoſition ; il ne ſçait quel parti prendre, il ne paroît point d’heritier, il eſt abſent, ou même il n’y en a point de certain : heureux quel qu’il ſoit, ſi le Domeſtique a une fidelité à l’épreuve d’une tentation ſi préſente ; car on en a vû qui ont eû la cruauté d’avancer la mort de leurs maîtres, impatiens d’executer le malheureux projet de les voler, que quelques heures de patience leur auroient donné la liberté d’executer à loiſir, ſans ajoûter à ce crime celui d’un attentat auſſi cruel qu’inutile. Souvent toute une famille éteinte, laiſſoit la maiſon ouverte au pillage, & en proye à la canaille, ou à ceux qui y alloient enlever les cadavres.