cruel. Ils étoient ordinairement relegués
dans l’endroit le plus éloigné,
non pas de la maiſon, mais du territoire,
où ils n’avoient d’autres témoins
de leurs ſouffrances que les oiſeaux
du Ciel, qui par un morne ſilence,
& par la ceſſation de leur chant
ordinaire, ſembloient marquer leur
ſenſibilité pour ces malheureux. Ceux
qui étoient les plus chéris, étoient
ſous des Cabanes couvertes de
branches d’arbres, ou de vieux
haillons ; on a vû des amans fidéles
s’expoſer à ſervir leurs maîtreſſes ainſi
abandonnées, dans l’eſperance qu’un
mariage prochain ſeroit le prix
d’un amour ſi courageux ; une aveugle
paſſion avoit plus de force, pour
diſſiper les frayeurs du mal, qu’une
charité chrétienne, plus même que
l’amitié paternelle.
C’eſt-là que les parens étoient contraints de ſe donner la ſepulture les uns aux autres, & d’eſſuyer toute l’amertume de ce triſte devoir, faire la foſſe, y porter le cadavre, ou le traîner & le couvrir de terre, les femmes reduites à cette cruelle extrêmité pour leur mari, les enfans pour leur