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de la peſte de Marſeille


à des prix énormes. Le Païſan, qui n’eſt pas en état de faire cette dépenſe, ſe voit privé de ce ſecours : auſſi le mal enleve tout, les familles nombreuſes ſont reduites à une ſeule perſonne, ſouvent toute une lignée eſt entierement éteinte. Les enfans que le mal épargne, périſſent par la faim, & faute de nourriture après la mort de leurs parens. N’en diſons pas davantage, & épargnons-nous la douleur de conſiderer ces enfans ainſi abandonnés dans les Baſtides, nous avons déja ſenti la peine d’un ſpectacle ſi touchant.

La mortalité a été ſi violente & ſi generale, que dans la plûpart de ces Hamaux & Villages du Terroir, il n’y eſt preſque reſté perſonne. Les terres ont reſté en friche, ſans être enſemencées, & on n’y voyoit d’autre culture que celle des foſſes, où l’on avoit enſeveli les morts. De tant de malades, il n’en a rechapé que la cinquiéme partie, en d’autres ſeulement la ſixiéme : car le dénombrement eſt aiſe à faire dans ces petits endroits. On voit par-là ce que peut la nature abandonnée à elle-même

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