bles par la contagion. Rien n’étoit
certainement ſi riſible, que de voir
tous les hommes armés de ces longs
bâtons ; on les eut pris facilement
pour des voyageurs nouvellement débarqués,
& fatigués du chemin : le
déſordre de leur équipage, la ſimplicité
des habits, une longue barbe,
un viſage pâle & triſte contribuoient
à leur donner cette apparence.
C’étoit bien pis dans ceux qui s’étoient
refugiés à la Campagne, ils
commencerent alors à venir faire quelques
tournées à la Ville, les uns par
curioſité, les autres par neceſſité. Ils
étoient halés & brûlés du Soleil, avec
les pieds poudreux, apuyés ſur de longues
cannes, conſternés de voir l’aſpect
de la Ville ſi changé & ſi affreux ;
& les uns & les autres ſoit qu’ils ſe
promènent enſemble, ſoit qu’ils ſe
réüniſſent en cercle, ils ſe tiennent
éloignés de cinq ou ſix pieds les uns
des autres, en ſorte que cinq ou ſix
perſonnes occupoient toute une grande
place. Les déſordres de la contagion
étoient la matiere ordinaire de
leurs entretiens. Tous raportoient ce
qu’ils avoient vû & chacun s’eſti-
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de la peſte de Marſeille