Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 6, Faire faire mon portrait, 1916.djvu/14

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ici, « fils », qu’elle dit, comme quelqu’un qui est si pressé. Et elle me fait aller au bout de la place près d’un tableau où qu’on a peindu une belle balustrade. Elle me prend par les épaules comme le maître d’école, elle me fait tourner et ratourner. Puis voilà qu’elle tire tout près de moi une petite table avec des pieds tout houlés comme la machine à coudre qui est chez mon autre tante. Elle met ma main sur cette table comme si j’avais l’air de dire : « C’est da moi, cette table-là. » Alors derrière moi la grosse femme met une affaire comme un porte manteau avec un fer qui stiche et qui vient m’empoigner comme une fourche dans ma hanette. C’est tout froid et je n’ai pas bon. Je me tiens tout reud et je tâche de voir du côté de Thoumas qui ne vient pas me défendre et qui ne dit rien, sur sa chaise.

— Souriez un peu, que la grosse dame me dit sévèrement. Je ne sais pas ce que c’est ça, moi, et le fer me pousse ma tête que je n’ose pas remuer.

— Et puis surtout, ôtez votre chapeau et tenez-le dans votre main, c’est bien plus comme il faut, que la femme dit encore ; et elle vient pour ôter mon bon chapeau bas de ma tête. Mais moi je tiens fort mon chapeau qui plaque sur mon front.

— Ne plaît pas, moi, que je dis, et je le tire encore plus bas sur mes yeux, que je ne vois presque plus rien.