Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 6, Faire faire mon portrait, 1916.djvu/16

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Moi, on ne me demande rien ; c’est pourtant pour mon portrait.

— Un peu voir, habie, que je dis en tirant la manche de la femme qu’à mis le carré noir dans un cadre avec des lignes jaunes et vertes.

C’est tout foncé, on ne voit presque rien, mais je reconnais tout de même les boutons de mon paletot ; il y a un qui manque dans le portrait aussi. Et je vois aussi mon nouveau chapeau qu’est bien ressemblant. Le reste, c’est si noir qu’on dirait un bouname de couque de Verviers, mais j’ai quand même bien bon.

Et je porte le portrait appuyé contre mon estomac pendant que Thoumas a payé la femme et descend les escaliers derrière moi.

Dinez-m’el, vo l’lairez torate tourner.

Et il me le prend et le met dans sa poche. Il est si fâché, Thoumas, je ne sais pas pourquoi, et il répète tout le temps :

On franc et dix-sept cerises et demeie po çoulà ! Ni fât-il nin esse fou d’el grâce dè bon Dieu, nom d’un mille !

Il a dit tout le chemin ça en grognant et faisant comme s’il voulait battre quelqu’un. Et quand nous avons arrivé dans la « Voye del Vètche », il a arrêté et il a crié :

C’est d’mè censes avou, et nos l’allans distrure. Edon, valet, nos l’allans spyi ?

Moi, j’aurais bien voulu le garder, ce portrait, pour le faire voir, comme c’est beau