Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/92

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— Madame, proclama-t-il, je vous demande de comprendre, d’analyser, de vous introspecter. La plupart des malades guériraient, s’ils s’introspectaient. Le cerveau mène tout : agissez sur votre cerveau ! Il mène votre foie, votre estomac, vos reins. Ce sont vos forces mentales qui descendent jusqu’à ces organes, les décongestionnent, les font secréter, les cicatrisent ! Êtes-vous de taille à commander à votre cerveau ?

Ma sœur n’en savait rien. Elle ne voulait pas d’un programme fatigant : elle était si fatiguée ! Mais lui s’était assis et déjà écrivait. Pour plus de sûreté, il l’envoyait chez un radiologue. Radio complète de la tête aux pieds. (Bon ! se dit-elle. Cinq cents francs !) Puis il demandait trois analyses, les urines, le sang, les selles (encore cinq cents !), et il conclut :

— Dès que je tiendrai ces renseignements, je pourrai mieux travailler. Vous, je l’espère, vous aurez sur vos organes déjà l’emprise cérébrale que j’ai dite. Et je verrai s’il y a ici ou là une déficience, une tare, un cancer…

Elle sauta :

— Cancer ! Docteur, auriez-vous vu ?…

Il prit un air de lassitude :

— Madame, je vous en prie, je suis dans les hypothèses ! Je tiens à me les permettre toutes. Vous me dites : « J’ai des douleurs de tête. » Si elles sont intestinales, je vous