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Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/142

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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

ce que je demande, avec une indignation qui peut se changer dans la seconde en admiration ! Car c’est d’admiration que j’ai soif, puisque je m’indigne ! J’ai besoin que les officiers soient des héros, les médecins des abîmes de charité, les prêtres des saints ! Quand vous n’êtes pas supérieur aux laïques, que vous restez à leur niveau, que vous entrez avec complaisance dans leur vulgarité matérielle — je pense à vos patronages, vos cinémas, vos jeunes abbés qui parlent argot — je ne vois plus grand’chose pour élever et sauver ce pays ! Ah ! cette messe de ce matin, le bruit des sous pour les chaises, le bruit des sous pour la quête, l’annonce fatiguée des offices de la semaine, ces fidèles qui traînaient les pieds, les bâillements de l’enfant de chœur, et misère des misères, cette communion donnée par vous avec autant d’ennui que si vous aviez distribué des prospectus pour vente de charité !

— Monsieur !

J’ai cru qu’il allait sauter sur moi, mais il se retint, fit mine de s’écarter, revint sur ses pas. Enfin… il dit d’une voix essoufflée :

— Je ne sais pas pourquoi je m’indigne… Je crus qu’il allait me jeter des mots d’orgueil et de mépris.

— Après tout, reprit-il avec effort, c’est peut-être vrai. Je suis peut-être un sujet de