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26 juillet 1937.

Ma chère Hélène, j’ai fait de Paris jusqu’en Savoie un curieux voyage ! Ce Congrès que j’ai tenté de vous peindre a dû me surexciter. Le mouvement du train aidant, je ne serais pas surpris d’avoir parlé tout haut : j’ai vu des voyageurs m’envoyer un coup d’œil étrange. C’est que je me figurais ma nièce cheftaine, la dame Lherminat, les abbés, le pasteur, tous en tas, en agglomération noire telles des fourmis, puis en regard je pensais à Thierry, ce petit être clair, animé des plus beaux dons, qui toujours s’est montré libre, dont l’ardeur m’a sans cesse émerveillé. Au téléphone, il venait, une fois de plus, de me prouver cette passion de vivre, apportée en naissant, manifestée dès le début de son existence. Ah ! comme il mérite que je lui donne mes forces ! Qu’ai-je de mieux à faire que de lui consacrer ma vie, non pour en faire forcément un amiral, un général, un archevêque, mais pour essayer qu’il soit à part et mieux que les autres, au-dessus, par l’esprit. C’est de là que viendra le salut.