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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

la pomme de pin a éclaté. Ah ! j’étais content ! Seulement, j’ai trois mille francs à payer. J’ai dit à la comtesse : « Madame, je ne suis qu’un enfant. Je vous demande dix ans ! » Elle a accepté. Il n’y a pas plus adorable.

Quand il eut fini, je remarquai seulement :

— Il me semble que tu as une belle vie.

Thierry me répondit :

— C’est que la vie, c’est passionnant ! As-tu pensé, papa, à tout ce qui vit, les poissons, les oiseaux, toutes les bêtes dans les trous, et ces gens qui sont de toutes les couleurs dans le monde entier ? Je voudrais voyager, faire des collections !

— Pour cela, lui dis-je, il faut d’abord se fortifier, prendre du poids. Je suis sûr que tu parles trop, que tu as trop d’idées, que tu te consumes toi-même !

J’appuyai la main sur sa petite tête :

— J’ai peur qu’il n’y ait trop de vie là dedans !

— Non, non, dit Thierry sérieusement, tu peux tâter, ce n’est pas chaud !

Puis il ajouta vite : « Viens voir ma chambre ; comme je l’ai arrangée ! »

Il y avait un Mussolini sur la porte, qui avait l’air d’entrer, avec son air rapide et autoritaire. Au mur, le Normandie, partant du Havre, pour gagner le ruban bleu. Sur la table, le portrait d’un jeune officier.