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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

faisait faire des mouvements respiratoires. Puis le médecin avait ordonné : « Donnez-lui de l’air !… » et son père, pleurant, tremblant, lui avait soufflé dans la bouche. Mais elle ne remuait toujours pas ! Pendant près d’une heure, on avait tout tenté. Enfin, le forgeron à bout de forces avait dit : « Je n’en peux plus ! » Et le médecin : « C’est fini ! Elle est morte ! » Alors, on avait entendu un cri, et vu Thierry que personne n’avait remarqué, se jeter sur elle, répétant : « Il faut essayer encore ! Moi, je vais lui donner de l’air, et lui remuer les bras ! Reposez-vous ! Laissez-moi ! »

À ce moment du récit, Fricotelli, joignant les mains, s’écria dans sa chaleur méridionale :

— Qu’il était beau ! Sa petite figure annonçait un miracle !

Médecin, forgeron, curé, tout le monde avait été secoué par cette foi d’enfant. Mais ils hésitaient encore, quand Thierry montrant du sang qui coulait dans les cheveux de Flora, s’était écrié :

— Ah !… c’est par là qu’elle perd sa vie !

C’était seulement la preuve qu’elle vivait encore.

— Je me suis trompé ! Elle n’est pas morte ! dit le médecin bouleversé.

— Sauvons-la ! Il faut la sauver ! bredouilla le forgeron.