Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/40

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préoccupés. Il approuvait seulement… en pensant à sa femme, qui était près de sa mère mourante.

— Car j’ai encore cela ! dit-il tout haut, ma belle-mère se meurt !

Et il reprit :

— On a tout à la fois ! Monsieur, monsieur, soyons inquiets pour nos fils ! J’ai deux fils ; je vous réponds qu’ils ne prendront pas ma succession ; j’en ferai des fonctionnaires !

Ne voulant pas le croire cynique, je fis mine de le croire aigri :

— Vous ne ferez pas cela, monsieur Seigneur !

— Je le ferai, monsieur, sans hésiter ! Mes fils ne seront pas exploités ; ils seront exploiteurs ! Ils ne ficheront rien, auront une retraite, et les autres paieront pour eux !

Je m’inclinai ; il continua :

— Cette grève est abjecte : ils n’ont averti personne. Ils ont tenu un meeting secret ; à minuit la bombe a éclaté. Ici, c’est le lift qui a tout mené. Un bachelier dyspeptique ! Il s’est imposé à de vieux maîtres d’hôtel, pleins de bon sens et de santé. Bien entendu, le gouvernement fait le bon apôtre ! Il à l’air de secourir le peuple, en créant une agitation qui le met hors de lui. Beau travail ! Belle victoire ! On fait une vie impossible aux patrons ; après quoi, on les montre au prolétaire, en lui disant : « Regarde-les :