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28 mai 1937.

Quand je suis sorti, chère amie, pour reprendre contact avec la société, je devais avoir l’air d’un homme qui part conquérir le monde ! En trois pas je fus dans la rue Saint-Honoré. La rue Saint-Honoré est une rue que j’aime. J’ai choisi ma chambre pour sa vue, mais en me disant aussi : « Derrière, il y a la rue Saint-Honoré ! » Elle a deux siècles, et est intacte. La modestie des maisons m’y enchante. Balcons, façades, tout est sans prétention. Elle n’est pas droite ; on ne peut pas dire qu’elle tourne ; elle se penche, à droite, à gauche, offrant les plus variés des magasins, en sorte que la promenade y est une suite de surprises. La rue Saint-Honoré commence modestement, mais tout de suite, elle annonce ce qu’elle sera. Elle s’essaye près du Théâtre-Français ; à la rue Royale elle s’accomplit. Les premières des boutiques exposent, sans beaucoup de goût, des fanfreluches un peu voyantes ; il y a déjà de quoi pourtant charmer les yeux d’une provinciale ; et c’est une façon de lui dire :