Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces quatre hommes, sans s’en douter, représentaient assez bien quatre formes de pensées, qui étaient les plus répandues à cette heure dramatique dans les cerveaux de A…

L’un, juvénile et flambant, criait : « Vive la France ! » Il pensait à des Alsaciennes de cartes postales, et il avait une mèche blonde qui dansait sur son front.

M.  Clopurte, lui, était chauve et maigre : crâne plus lisse que ses bougies ; corps plus sec que ses balais. Il dévisageait la Guerre comme une nouvelle pratique et, en calculateur, il s’arrangeait d’avance avec elle. M.  Clopurte, c’était l’espérance muette au seuil d’une épicerie.

Chez le premier clerc, au contraire, écroulement général. Un vrai cœur-château de cartes. Seulement, il s’ébrouait, ricanait, cherchait du secours ; et, trouvant M.  Fosse, il songeait, les nerfs crispés, à sa vendeuse Mademoiselle Romance, qui commençait de lui accorder des rendez-vous le dimanche, sur les bords de la rivière. Il se disait fébrilement : « Adieu les amours !… Guerre… batailles… la mort… » Si jeune ! Il en avait des frissons.

Tandis que M.  Fosse, lui, nourrissait un sentiment du devoir contre lequel il n’y avait pas à se rebiffer. Né d’un percepteur, d’un homme qui avait usé sa vie à vérifier des additions, pour