Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/141

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— Voui, poteau.

Il le reprit, lui passant les bras tendrement sous son pauvre corps douloureux. Alors, les traits de Burette se détendirent, et pendant que Gaspard, avec précaution, le soulevait pour le reposer, il l’embrassa sur la barbe, balbutiant encore :

— Tu… tu es le meilleur ami que j’aie eu…

Gaspard se raidit contre l’émotion. On emporta Burette. Il voulut suivre.

— Vous, dit le major, on vous évacuera plus loin.

Il fit, désespéré :

— Alors, j’quitte mon copain !

— Forcé, mon ami, dit le major.

— Ben, au moins, qu’j’y dise adieu… Burette !… Vieux Burette ! On se r’trouvera à Montparnasse : aie pas peur !

Il n’eut que le temps de lui resserrer la main, et il se trouva seul, tout seul, quoique au milieu d’un grouillement d’hommes.

Plus de copain !… Il s’assit par terre et il poussa un cri. Sa fesse ! Ah ! Dieu, même pas bandée.

Un aide-major le déshabilla. Il le fit mettre sur le flanc, et il le pansa tant bien que mal, à la clarté blême de la lune, qui montait au-dessus des maisons.

— Vous avez, lui dit-il, un bon morceau d’enlevé.