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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/190

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GASPARD

qu’on parlerait pus d’ la dépopulation… Justement, ça y fait du bien, les alcools à ma fesse ! Ça l’a fortifiée, c’te p’tite fèfesse !

L’infirmier s’amusait. C’était un bon vivant, dont Gaspard, très vite, s’était fait un ami. Clerc de notaire transformé en infirmier. Comment ? Pourquoi ? Confusion du recrutement. Mais confusion bénie, car avec sa face rose, son humeur douce, son sourire pour lever les plus lourds des blessés, il consolidait le moral, et il avait toujours l’air de dire : « Regardez-donc comme il fait bon vivre. »

C’était lui qui affirmait chaque matin : « Tout sera fini dans un mois », qui contait sur la guerre des histoires comiques, qui, un jour, pâle d’émotion, disait d’un moribond :

— Pauvre vieux ! Si au moins je pouvais le faire rire encore une fois…

C’est avec ceux qui meurent qu’on juge les vivants : ceux qui meurent ont tant besoin qu’on les aide.

Quand on a vu des batailles, on n’a plus qu’un demi-mépris pour ceux qui redoutent le feu : il est redoutable ; or ce clerc de notaire, placé là malgré lui, le redoutait un peu.

Gaspard lui avait lancé brutalement le lendemain de son arrivée :

— Pourquoi qu’ t’es là, toi ? T’es bien bal-