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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/197

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GASPARD

Puis, des larmes vinrent, et elle dit avec un rire nerveux, où il y avait encore de l’égarement :

— Pour le voir… c’est par ici… par là ?…

Femme du peuple d’une quarantaine d’années, modeste en robe noire, mais qui avait dû être singulièrement fraîche et jolie, car malgré ses tempes grises, le geste était resté tout jeune, le front sans rides, les yeux éclatants ; et elle était vive, mince, avec une taille de trente ans. Comme son fils devait l’aimer !

Gaspard sentit bien cela.

Il s’offrit à la conduire, mais elle était impatiente et remarquait à chaque tournant de boutoir : « Ce que c’est loin… ce que c’est grand, ces hôpitaux ! »

Enfin Gaspard poussa la porte de la salle, et il dit : « C’est là. » Elle répondit : « Je le vois ! » — Parmi les trente lits son œil n’avait pas hésité. — Puis, sans prendre garde à rien ni personne, les yeux sur lui, elle s’avança d’un pas raidi par l’émotion, marchant sur la pointe des pieds, Car elle avait compris à son calme qu’il dormait. Elle arriva devant son fils, vraiment essoufflée de bonheur, et de la main, contenant sa poitrine, elle eut un geste charmant, qui semblait, dire : « Allons… allons, mon cœur… sois sage… tu vois qu’il est vivant. »

Mlle Anne approchait une chaise : elle ne la vit