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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/204

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GASPARD

fit signe simplement de la tête qu’il était heureux de savoir son père hors de danger. Et elle resta deux longs jours contre son lit, à le regarder. Puis, de nouveau, elle s’en alla, le cœur crevé, pâlie, maigrie, lui laissant deux oranges auxquelles il ne toucha pas.

Dudognon, qui souffrait pour elle, la mena encore jusqu’à la porte de la rue.

Pendant ce temps, Gaspard arrivait essoufflé près du fils :

— Poteau… Comment qu’ tu t’ sens, mon pote ?… J’ suis monté vite, c’est pour te dire : l’ docteur, il parle dans l’escayer : il dit comme ça qu’on t’ tire d’affaire, et qu’ c’est pus rien, mais qu’ faut du temps… Tu le r’verras, fiston, ton faubourg Saint-Antoine.

— Tu… tu crois ? murmura le sergent.

— Pisque j’ te dis qu’il l’ dit ! Et t’ la r’verras va, ta Bastille, et les taxis, les autobus !… Aie donc pas peur, petit ! On s’en va pas comme ça quand on est Parigot.

— Ah !… Peut-être… Mais je souffre tant la nuit ! balbutia le sergent.

— La nuit ? Attends, j’en parlerai à la sœur.

Il en parla. Qu’y pouvait-elle ? Elle n’avait d’yeux que pour ce pauvre grand blessé. Sa cornette, en huit heures, se penchait cent fois sur son lit. Mais on ne lutte pas avec la mort ; et