Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
GASPARD

l’ râpait d’ me voir m’ râper. Alors, il m’y a foutu à sept ans, pis m’en a repêché à neuf. Il m’a dit comme ça : « T’ sais lire et écrire ? T’en sais assez ; le reste c’est du boniment. — L’ bachot ? des foutaises pour fils ed’ sénateur !… » Et moi, r’garde un peu, j’ saurais pas t’ faire une division sur du papier : j’ te poserais tout d’ travers ; mais dans ma tête, pour mes escargots, pour c’ qu’est d’ mon fourbi, jamais, p’tit, jamais j’ te ferais une erreur ! — Pis alors pour causer, comprends-tu, pour les mots qu’on s’ sert, j’ai pas eu non plus besoin d’un maît’e d’école… J’ m’ai acheté des bouquins. Sous mon lit, j’ai une bibliothèque. Pis des livres un peu là : Victor Hugo, Lexandre Dumas, et Cyrano, l’ truc à Rostand. Cyrano, j’ l’ai vu six fois su l’ théâtre ! Ah, ça, ça m’ plaît !… quand il cause ed’ son nez, dis donc, pis quand il va faire son compliment à Rossanne, qu’elle croit qu’ c’est laut’e et qu’il l’embrasse su la bouche, en pigeon ; pis, à la fin quand il est prêt de clamecer… ah, là, y a des vers, quand il crie comme ça :

...... Que j’ pactise ?
Jamais, non, jamais ! Ah te v’là la sottise !
J’ sais qu’à la fin vous m’ ficherez à bas ;
N’importe ! J’ me bats ! J’ me bats ! J’ me bats.

Fallait entendre Coquelin vous jeter ça. Il vous passait quèque chose su l’épiderme !