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GASPARD

charrettes réquisitionnées, par toucher tout le fourniment.

On vidait les magasins par les fenêtres, des glissières plongeant sur les voitures. Gaspard, pour « faire vite », n’avait choisi que des Parigots : ils s’exécutèrent avec une ardeur enragée. Capotes et pantalons, les képis, sacs et cuirs, et surtout les marmites avec leur bruit de fer-blanc, partaient au dehors, à la volée, et s’écroulaient dans les charrettes. Par le poids, les brancards se soulevaient, et la sangle des chevaux les écrasait au ventre.

Gaspard encourageait :

— Approchez, m’sieurs dames, prenez l’article en mains !

Et Burette, qui transportait des piles d’effets, reprenait : « C’est pas cher ! »

Il avait une bonne face avenante ce journaliste, un peu poupine, avec des yeux d’enfant qui admiraient Gaspard. Il faisait chorus :

— Ah, les Alboches, ils veulent la guerre ? Eh bien, on va la leur faire voir la guerre ! Et puis, bien nippés, bien chaussés, bien armés ! Et allez donc, emplissez les voitures ! Ah, les cochons !

— Ça m’ change pas de mon métier, disait Moreau, le machiniste du Châtelet. J’ai assez fait des pièces à féerie. J’ connais les remue-ménage : en scène pour la un !