Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/276

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— Mon gars, y a point d’erreur : j’suis d’tout près du canal.

— Du canal ?

— À côté d’la Fernande.

— La Fernande ?

Il lui mit la main sur l’épaule :

— Tu t’fous d’moi. D’quel patelin qu’t’es ?

— Ben pardi, j’sis de L…

Alors, Gaspard le singea :

— Ben, pardi, j’sis de L… ! Sacrée andouille, et c’est ça qu’tu nommes la rue d’la Gaîté !… Saucisson à pattes !… Dire que c’t électeur !

Mousse s’était assis déjà. Gaspard vint s’étendre auprès de lui. Il y avait par terre une paille humide et terreuse.

— Ça m’a plutôt l’air vaseux, dit Gaspard.

— M’sieur sort p’t-être d’un lit d’plume, dit une voix.

— T’en fais pas ; tu vas en baver ! dit une autre.

— Ah pis, ça va bien, j’men fous ! reprit Gaspard.

Il se tut. On entendait trois hommes qui jouaient aux cartes : « Trente, — trente-deux, — je passe, — trente-cinq, trente-huit, — ah ! la bête brute ! quarante, j’te laisse… quel veau mort-né ! » Dans le silence, le bruit d’un filet d’eau, qui s’étranglait par le soupirail, rappelant la saison