Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/32

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Burette approuvait presque. Mais à Gaspard cette parole parut excessive. Il fit avec sérieux :

— Sur quelles raisons qu’ tu te bases pour dire c’te chose-là ?

Le boucher cligna des yeux :

— Sur quelles raisons ? Tu sais-t-il lire ?

— Un peu, mon neveu.

— Ben lis, mon oncle ! Lis c’ qu’y a marqué su les journaux ! À Berlin ils ont d’jà la frousse. À Vienne ils sont en digue-digne… Et Guillaume, t’en fais pas, il a pus ses moustaches en bataille !

Le temps de saucer largement son assiette, de se bourrer les joues, d’avaler tout à la fois, puis il reprit pour conclure :

— D’ailleurs, j’ leur-z-y ferai voir mon caillou…

Il ôta gravement son képi, et découvrit un crâne si ras tondu, qu’il n’y avait plus là qu’un espoir de cheveux, mais sur son ordre le coiffeur avait laissé une simple petite mèche frisotante et impayable, qui sautait comme une plume au moindre hochement de tête. L’effet était admirable, et Gaspard s’abandonna à l’idée que l’ennemi s’en arrêterait net. Il riait, riait, tapant la table, avec des glouglous dans la gorge.

— Non, non… mais l’est pilant c’ mec-là !… Dis donc, vieux ?

— Eh ?