Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/324

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peuple aux inventions si généreuses, et cette jeune femme si fière d’une belle mort inventée.

Seuls, les serins qui ne comprennent rien à l’honneur ni aux misères humaines, pépiaient toujours avec joie ; et ils avaient l’air de dire sottement :

— Même en cage, couic-couic, la vie vaut mieux que la mort, couic-couic, couic-couic.

Quand il sortit de chez Mme  Burette, Gaspard avait les yeux brillants.

Sa mère lui demanda :

— Alors ?… T’as pu y raconter tout d’même ?

Il dit :

— J’y ai fait avaler avec une sauce à moi.

Puis, il emmena sa famille aux Champs-Élysées, où se traînait une fin de beau jour. Tout semblait doré : la chaussée, les arbres, les promeneuses. Et Gaspard, dans l’air pur de cette soirée charmante, se sentit heureux soudain d’avoir fait tout ce qu’il devait faire pour son pays, pour ses amis, et d’être avec sa vieille, son gosse, sa femme. Pauvre vieille qui l’avait mis au monde, élevé, qui avait tant trimé toujours, restant si bonne, tout émue pour un rien, — et sa Bibiche dont il aimait les yeux tendres, et les petits cheveux blonds qui frisaient sur l’oreille. — Seulement il avait aussi comme un regret cuisant que tout ne fût pas réglé, que la guerre durât encore et que des hommes se fissent tuer, partout, toujours.