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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/326

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— Oh, à la pose !… dit la grand’mère.

— Parfaitement, à la pose, pasqu’il a ses deux pattes, tandis qu’moi j’suis pus qu’trois quarts de poilu ! Mais lui, lui… qu’est-ce qu’il est ? Un têtard, un rien du tout !… R’garde-moi c’t’air, comment qu’ça marche ! Ça voudrait peut-êt’e apprendre à son père à faire un enfant !

Le petit ne pleurait plus. Il dressait la tête, rageur et impertinent. Les deux femmes ne disaient rien. Ils tournèrent tous quatre à l’avenue Alexandre III.

Gaspard, en avançant, regarda son pied, son unique pied, et il dit à mi-voix :

— Nous, on s’ra fait esquinter, pis ces gosses-là qu’auront l’profit, ils nous grimperont d’ssus !…

Mais entre les deux Palais il respira largement ; et, tout haut cette fois, il reprit d’une voix mâle :

— Seulement, ça fait rien. Eux, ils hériteront, ils s’engraisseront, ils boufferont que d’la dinde truffée, mais les Boches… ben les Boches, c’est toujours nous qui leur aura tanné la peau !…

Et, levant le nez, il avait l’air de s’expliquer fièrement avec le dôme glorieux des Invalides.

FIN