Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/34

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d’être seul, — lui, le soleil, d’un coup, fait une vaste tache de lumière où l’on se découvre une ombre fidèle à qui se confier.

Le régiment mi-constitué, mi-équipé, mi-éveillé, était descendu sur un appel de tambour, et soudain le soleil le doubla, en allongeant à terre les silhouettes falotes de ces hommes, qui prenaient confiance dans ce bain de jour si bienveillant et prometteur.

On formait des sections, des escouades ; les camarades s’appelaient : « Eh, gars, viens-t’en par là, qu’on soye ensemble, dis, pour bouffer ! » Groupes de Normands et de Parisiens : les premiers, comploteurs et craignant d’être vus ; les autres fanfarons, tout heureux qu’on les voie. Et les sergents disaient, moitié rechignant, moitié cédant :

— Allez-vous vous placer, qu’on prenne vos noms, bon Dieu !

De son magasin, Gaspard cria :

— Moi, j’suis avec Burette. Burette est mon copain !

Et Burette, joyeusement, répondit :

— On mourra sur la brèche ensemble : sois tranquille !

Puis, les sergents furent affectés et les hommes de chaque demi-section, aussitôt qu’ils avaient vu leur chef, chuchotaient entre eux :

— Ah, c’est d’la veine d’tomber comme ça !