Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/45

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dès que le train stoppait. Les camarades criaient parfois :

— On n’a pas donné de signal ! Le colo va te foute dedans !

— Pour pouvoir m’espliquer, j’ vas toujours m’ rafraîchir !

Sans équipement, sans sa capote, la chemise ouverte sur sa poitrine velue, remontant son pantalon qui lui tombait des hanches, avec une demi-douzaine de bidons lui pendant à l’épaule, il sautait sur le ballast, de traverse en traverse, courait aux barrières, aux maisons, secouait les portes, frappait dur, criait fort, repartait avec toute sa ferblanterie et remontait, furieux, disant :

— J’ marche pus ! Si y a pas d’ flotte, j’ marche pus !

Mais le train remarchait pour lui. Nouvel arrêt. De nouveau reparti. On l’excitait de loin, puis il disparaissait, tel un rat dans un trou. Burette se faisait des cheveux : « Il va rater son train… » Jamais. Sitôt que le convoi s’ébranlait, de droite ou de gauche on voyait ressurgir Gaspard, une fois sur deux le torse tout trempé.

Ses yeux brillaient. Il rigolait.

— Je m’ suis foutu d’ssous une fontaine. Ah, si c’est bath !

Et il tendait les bidons ruisselants.

Burette dit une fois, l’œil voluptueux :