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GASPARD

Elle dit, toujours souriante :

— J’étais avec ma mère là-bas ; elle, elle n’a pas peur ; elle prétend qu’elle les connaît, qu’elle les a vus en 70, mais moi, j’ai dit : « Merci, je ne reste pas ! » Ma mère est bien : elle loge chez le maire. On ne lui fera pas de mal. Et puis… elle est vieille…

Elle rebaissa les yeux.

— Oui… tandis qu’avec vous, fit Burette, ils auraient peut-être été trop galants…

— Qu’est-ce tu nous sors, reprit Gaspard, t’es pas marteau ! Une gentille tite fille comme ça pour des Boches ? Non mais, regardes-y, tu t’ mouches pas du pied.

— Il ne s’agit pas de moi ; mais eux…

— Eux, qu’ils y viennent, qu’ils mettent la patte dessus ! Des fois ! J’aimerais mieux donner des huîtres au chat de ma concierge.

La petite femme les regardait bien en face, amusée maintenant et enhardie par ce dialogue bizarre. Elle reprit :

— Enfin, messieurs… je vais tâcher de gagner Verdun… C’est par ici, n’est-ce pas ?… Vous, bonne chance… si vous vous battez.

— Mais… mais, fit Gaspard, vous allez tout même pas vous en aller sans nous embrasser !

— Messieurs, je suis pressée…

— C’est pas long d’ nous embrasser !