Page:René Benjamin - La farce de la Sorbonne, 1921.djvu/149

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Il m’apparut moins souriant et plus pâle qu’à l’ordinaire. Nous étions dans un jardin. La lune blêmissait le ciel. M. Brunschvicg rôda d’abord autour de moi sans mot dire. Il me regardait avec de grands yeux argentés comme les nuages. Puis, il se promena, tête baissée, geste qui lui était habituel, comme si ses idées avaient été cachées en terre et qu’il leur eût dit avec effort : « Poussez ! Sortez ! Que je vous moissonne et vous récolte ! » Enfin, tout à coup, il monologua, et en termes cette fois compréhensibles, sans doute parce que je rêvais et que ses phrases à lui étaient de moi :

— « Si je vous apprenais d’où je viens, murmura M. Brunschvicg, le croiriez-vous ? Car… je suis venu par une nuit comme celle-ci, sur un rayon lunaire comme ceux-là. »

Je ne saisissais pas ; je demandai :

— « Que voulez-vous dire, Monsieur Brunschvicg ? »

Alors il s’arrêta et sourit. Mais au moment même où il souriait, il me parut si livide et si blafard que je n’eus plus, je le