Page:René Benjamin - La farce de la Sorbonne, 1921.djvu/41

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Aulard (c’est mieux ainsi : on dirait un faire-part, funèbre comme lui) a été pour ma prime jeunesse un lugubre étonnement. Je sortais transi de ses cours sur l’esprit laïque de la Révolution. Une fois, j’y traînai un ami, qui avait une âme légère et des sens un peu fougueux. Il en revint égaré, gémissant, et il fallut une semaine de plein soleil pour lui faire oublier cette vision maussade.

L’an dernier, j’ai eu le courage de réentendre ce vieillard qui avait contristé mes vingt ans. Je l’espérais détendu, moins accroché à ses idées. Je l’ai retrouvé pareil, traitant le même sujet. Il parlait toujours de la Révolution, toujours de la laïcité. J’ai vu à son cours des rentiers, des jeunes filles maigres, un annamite. Tous ces auditeurs étaient mornes ; lui-même montrait un sourire triste et des yeux battus ; il y avait dans son air et son débit comme une hypocrite prudence, un mielleux sectarisme, une méchante idée fixe sous des termes patelins ; et je me suis demandé en sortant ce qu’était au fond ce bonhomme sans bonhomie, qui