Page:René Benjamin - La farce de la Sorbonne, 1921.djvu/77

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c’est A, votre pensée c’est B, moi je suis C ! Or, C se trompe ! J’ai dit : « l’Art exprime un état émotif ». Du tout ! Voilà qui est faux. L’Art n’exprime pas que des émotions. Il y a des artistes, des vrais, des grands, qui ont exprimé des idées, rien que des idées, des concepts, rien que des concepts, mais des tas de concepts, des foules de concepts, des peuples de concepts, des cathédrales de concepts !…

Il s’est emporté ; il se calme, et, se parlant à soi-même, devant le public ébaubi :

— Pauvre de moi ! Je suis encore lyrique. Seigneur, pardon ! Je serai toujours lyrique !…

Il joue à la mélancolie :

— N’est-il pas difficile d’être un homme libre sans être un homme lyrique ? Liberté de pensée, liberté de vouloir, démocratie intégrale, commencement du lyrisme ! S’il y a des hommes de gouvernement à mon cours, ils ne comprendront pas : je les excuse.

Là-dessus, l’air inspiré, il s’abandonne à l’éloquence, et aussi à une ironie triviale.