Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/122

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Stream aux belles courbes. Plus avides que poulpes, les récepteurs se collent aux oreilles. Derrière le rideau de paupières ce n’est pas la nuit mais une mer mauve dont le nageur du silence ne peut savoir lequel des flots superposés va fuir. Le bleu couleur d’espoir, le rouge couleur de rage. Les joies sous-marines et les algues du doute effleurent, irritent son impatience, à tel point qu’un homme de la trempe de Moïse, se dit Pierre, de la trempe de Moïse lui-même, eût perdu la raison si le coup de tonnerre du Sinaï trop longtemps s’était répété avant de fendre en deux, comme un fruit bien raisonnable, certain nuage d’où sortit Dieu le père avec les tables de sa Loi.

Mais s’affirme soudain la sonnerie qu’il croit la bonne, Pierre ne veut plus de limite à sa joie. Avec ferveur, il répète les syllabes qui vont lui permettre d’atteindre, d’entendre. Atteindre, entendre, communiquer, communier. Il parlera et il lui sera répondu. Ses phrases iront au-devant des phrases d’Arthur. Leurs voix seront des aimants réciproques. Leurs voix danseuses de cordes, acrobates aux cœurs transparents, aux mains de lumière et qui les porteront pour les unir au plus haut point du ciel dans un soleil de joie.

Pierre n’aurait pas eu le courage d’aller jusqu’à la maison de Bruggle. « Ton Bruggle », lui a dit sa mère du ton dont elle eût dit : « Ton idole ». Son Bruggle, oui. Son idole, non. Bruggle, son Dieu. Un Dieu dont