Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/63

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et, parce qu’il ne veut point offrir quelques mots en l’air, le voilà parcourant la route qui mène à Ratapoilopolis. Le long du chemin, de s’apercevoir soudain que les tourments qu’il désigne pourraient fort bien porter son nom. Et ce sont autour de lui des faisceaux d’inquiétants rayons, des fouillis de flammes tordues, au milieu de quoi il lui faut lutter, se débattre sans espoir d’un astre simple.

Il se traite d’imbécile, de cabotin, et le plus triste est que certaines lumières, en dépit du trouble de leurs flammes, l’éclairent avec assez de dureté pour qu’il voie tout à coup que les comptes qu’il rend à Mme  Dumont-Dufour au nom du colonel, il les rend moins en vérité pour son père que contre sa mère. Il ne s’agit point de l’obéissance à quelque sentiment d’amour filial ou de respect, mais d’un mépris, d’une haine qui sont les reflets du mépris, de la haine que Mme  Dumont-Dufour, inconsciemment sans doute, voue à ce fils dont la présence prolonge l’homme qu’elle déteste aujourd’hui et que jamais elle n’a tenté d’aimer ni même cherché à comprendre.

C’est donc un duel.

Pierre qui n’a pas eu le choix de l’arme ni le bénéfice de la première attaque, Pierre sur la défensive, de toutes ses forces, veut prouver à Mme  Dumont-Dufour que si elle a eu tel ou tel malheur c’est qu’elle les méritait, les attirait, Pierre a quelques mouvements précis et