Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/67

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parce qu’elle n’arrive point, en dépit de tous ses efforts et de la cour que lui fait Bricoulet, à oublier le suicide de M. Blok, ne peut s’empêcher d’en parler à sa fille. Elle ne cesse de penser à la mort de son mari, mais ne se contente point de gémir sur son malheur et prend en pitié Diane qu’elle croit condamnée à une mort prochaine et volontaire. Et sans doute serait-elle fort étonnée si on lui disait — vérité de La Palice pourtant — qu’à force d’entendre parler du suicide, Diane pourrait bien finir par faire comme son père. Pour l’heure, effrayée du destin de sa maison, Mme  Blok n’est pas loin de voir en Diane une Iphigénie qu’on lui ramènera quelque jour du rivage de Montparnasse la tempe trouée, ou la gorge fendue, ou tout le corps bleu de poison. Et dans le petit salon de l’avenue d’Orléans, tandis que la jeune fille, au début de chaque après-midi avant de partir pour l’atelier, prépare couleurs, pinceaux, crayons, c’est, au moment du café, une plainte monotone suivie de l’éternelle recommandation : « Fais attention aux voitures, ma Dianette, mais surtout ne te laisse pas aller à tes pensées tristes. Pense à ta mère. Si tu mourais je serais seule au monde. Ne suis pas l’exemple de ton pauvre père. Ah ! que n’ai-je écouté ma grand-mère de la rue de Grenelle-Saint-Germain, qui avait épousé un homme roux. La chère femme m’avait prévenue lors de mon mariage. Je l’entends encore me répéter : « On se suicide beau-