dans la plénitude de son véritable sens, et d’ailleurs, disons-le à cette occasion, c’est pourquoi nous tenons à ce terme d’« élite » en dépit de l’abus qui en est fait dans le monde « profane » ; ceux-là, par la vertu de la « réalisation » intérieure à laquelle ils sont parvenus, ne peuvent plus être séduits, mais il n’en est pas de même de ceux qui, n’ayant encore en eux que des possibilités de connaissance, ne sont proprement que des « appelés » ; et c’est pourquoi l’Évangile dit qu’il y a « beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ». Nous entrons dans un temps où il deviendra particulièrement difficile de « distinguer l’ivraie du bon grain », d’effectuer réellement ce que les théologiens nomment le « discernement des esprits », en raison des manifestations désordonnées qui ne feront que s’intensifier et se multiplier, et aussi en raison du défaut de véritable connaissance chez ceux dont la fonction normale devrait être de guider les autres, et qui aujourd’hui ne sont trop souvent que des « guides aveugles ». On verra alors si, dans de pareilles circonstances, les subtilités dialectiques sont de quelque utilité, et si c’est une « philosophie », fût-elle la meilleure possible, qui suffira à arrêter le déchaînement des « puissances infernales » ; c’est là encore une illusion contre laquelle certains ont à se défendre, car il est trop de gens qui, ignorant ce qu’est l’intellectualité pure, s’imaginent qu’une connaissance simplement philosophique, qui, même dans le cas le plus favorable, est à peine une ombre de la vraie connaissance, est capable de remédier à tout et d’opérer le redressement de la mentalité contemporaine, comme il en est aussi qui croient trouver dans la science moderne elle-même un moyen de s’élever à des vérités supérieures, alors que cette science n’est fondée précisément que sur la négation de ces vérités. Toutes ces illusions sont autant de causes d’égarement ; bien des efforts sont par là dépensés en pure perte, et c’est ainsi que beaucoup de ceux qui voudraient sincèrement réagir contre l’esprit moderne sont réduits à l’impuissance, parce que, n’ayant pas su trouver les principes essentiels sans lesquels toute action est absolument vaine, ils se sont laissé entraîner dans des impasses dont il ne leur est plus possible de sortir.
Ceux qui arriveront à vaincre tous ces obstacles, et à triompher de l’hostilité d’un milieu opposé à toute spiritualité, seront sans doute peu nombreux ; mais, encore une fois, ce n’est pas le nombre qui importe, car nous sommes ici dans un domaine dont les lois sont tout autres que celles de la matière. Il n’y a donc pas lieu de désespérer ; et, n’y eût-il même