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Chapitre IV

Science sacrée et science profane


Nous venons de dire que, dans les civilisations qui possèdent le caractère traditionnel, l’intuition intellectuelle est au principe de tout ; en d’autres termes, c’est la pure doctrine métaphysique qui constitue l’essentiel, et tout le reste s’y rattache à titre de conséquences ou d’applications aux divers ordres de réalités contingentes. Il en est ainsi notamment pour les institutions sociales ; et, d’autre part, la même chose est vraie aussi en ce qui concerne les sciences, c’est-à-dire les connaissances se rapportant au domaine du relatif, et qui, dans de telles civilisations, ne peuvent être envisagées que comme de simples dépendances et en quelque sorte comme des prolongements ou des reflets de la connaissance absolue et principielle. Ainsi, la véritable hiérarchie est partout et toujours observée : le relatif n’est point tenu pour inexistant, ce qui serait absurde ; il est pris en considération dans la mesure où il mérite de l’être, mais il est mis à sa juste place, qui ne peut être qu’une place secondaire et subordonnée ; et, dans ce relatif même, il y a des degrés fort divers, selon qu’il s’agit de choses plus ou moins éloignées du domaine des principes.

Il y a donc, en ce qui concerne les sciences, deux conceptions radicalement différentes et même incompatibles entre elles, que nous pouvons appeler la conception traditionnelle et la conception moderne ; nous avons eu souvent l’occasion de faire allusion à ces « sciences traditionnelles » qui existèrent dans l’antiquité et au moyen âge, qui existent