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Page:René Guénon - Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion.djvu/10

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avant-propos

apparences pourraient le faire croire ? Il est tout au moins permis de se méfier, en voyant que la grande propagandiste du nouveau « Christianisme ésotérique » est Mme Besant, la même qui s’écriait jadis qu’il fallait « avant tout combattre Rome et ses prêtres, lutter partout contre le Christianisme et chasser Dieu des Cieux »[1]. Sans doute, il est possible que la doctrine de la Société Théosophique et les opinions de sa présidente actuelle aient « évolué », mais il est possible aussi que leur néo-christianisme ne soit qu’un masque, car, lorsqu’on a affaire à de semblables milieux, il faut s’attendre à tout ; nous pensons que notre exposé montrera suffisamment combien on aurait tort de s’en rapporter à la bonne foi des gens qui dirigent ou inspirent des mouvements comme celui dont il s’agit.

Quoi qu’il en soit de ce dernier point, nous pouvons dès maintenant déclarer nettement qu’entre la doctrine de la Société Théosophique, ou du moins ce qui lui tient lieu de doctrine, et la théosophie au sens véritable de ce mot, il n’y a absolument aucune filiation, même simplement idéale. On doit donc rejeter comme chimériques les affirmations qui tendent à présenter cette Société comme la continuatrice d’autres associations telles que la « Société Philadelphienne » qui exista à Londres vers la fin du xviie siècle[2], et à laquelle on prétend qu’appartint Isaac Newton, ou que la « Confrérie des Amis de Dieu » qu’on dit avoir été instituée en Allemagne, au xive siècle, par le mystique Jean Tauler, en qui certains ont voulu, nous ne savons trop pourquoi, voir un précurseur de Luther[3]. Ces affirmations sont peut-être encore moins fondées, et ce n’est pas peu dire, que

  1. Discours de clôture du Congrès des libres penseurs tenu à Bruxelles en septembre 1880.
  2. La Clef de la Théosophie, par H. P. Blavatsky, p. 25 de la traduction française de Mme H. de Neufville. — C’est toujours à cette traduction que nous renverrons pour les citations que nous aurons à faire de cet ouvrage.
  3. Modern World Movements, par le Dr J. D. Buck ; Life and Action, de Chicago, mai-juin 1913.