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Page:René Guénon - Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion.djvu/49

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le théosophisme

est une invention pure et simple, mais, comme ceux des « guides spirituels » auxquels il succédait, il a fort bien pu servir de masque à une influence réelle. Seulement, il est certain que les vrais inspirateurs de Mme Blavatsky, quels qu’ils aient été, ne répondaient point à la description qu’elle en donne, et, d’un autre côté, le mot même de « Mahâtmâ » n’a jamais eu en sanscrit la signification qu’elle lui attribue, car ce mot désigne en réalité un principe métaphysique et ne peut s’appliquer à des êtres humains ; peut-être est-ce même parce qu’on a fini par s’apercevoir de cette méprise qu’on a renoncé à peu près complètement à l’emploi de ce terme. Pour ce qui est des phénomènes soi-disant produits par l’intervention des « Maîtres », ils étaient exactement de même nature que ceux des « clubs à miracles » du Caire, de Philadelphie et de New-York ; c’est ce qui fut amplement établi, en 1884, par l’enquête du Dr Richard Hodgson, ainsi que nous le verrons plus loin. Les « messages précipités » étaient fabriqués par Mme Blavatsky avec la complicité d’un certain Damodar K. Mavalankar (un Brahmane qui répudia publiquement sa caste) et de quelques autres, comme le déclara dès 1883 M. Allen O. Hume, qui, après avoir commencé à collaborer avec Sinnett à la rédaction du Bouddhisme Ésotérique, s’était retiré en constatant les multiples contradictions contenues dans la prétendue correspondance de Koot Hoomi qui devait servir de base à ce livre ; et Sinnett lui-même a avoué, d’autre part, que « plus les lecteurs connaîtront l’Inde, moins ils voudront croire que les lettres de Koot Hoomi ont été écrites par un natif de l’Inde »[1] ! Déjà, au moment même de la rupture avec l’Arya Samâj, on avait découvert qu’une des lettres en question, reproduite dans le Monde Occulte qui parut en juin 1881[2], était tout simplement, pour une bonne partie, la copie d’un discours prononcé à Lake Pleasant, en août 1880,

  1. Le Monde Occulte, pp. 128-129.
  2. P. 102 de l’édition anglaise, pp. 196-197 de la traduction française.