Aller au contenu

Page:René Guénon - Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sanscrit « dêva-loka », ou encore « Dhyan-Chohan » , pour « Dhyâni-Bouddha ». Du reste, d’une façon générale, ces termes orientaux, employés un peu à tort et à travers, ne servent presque toujours qu’à déguiser des conceptions purement occidentales ; au fond, ils ne sont guère là que pour jouer un rôle analogue à celui des « phénomènes » , c’est-à-dire pour attirer une clientèle qui s’en laisse facilement imposer par les apparences, et c’est pourquoi les théosophistes ne pourront jamais y renoncer complètement. En effet, il y a bien des gens qui sont séduits par l’exotisme, même de la plus médiocre qualité, et qui sont d’ailleurs parfaitement incapables d’en vérifier la valeur ; un « snobisme » de ce genre n’est pas étranger au succès du théosophisme dans certains milieux.

Nous ajouterons encore un mot en ce qui concerne spécialement l’origine des textes thibétains soi-disant très secrets que Mme Blavatsky a cités dans ses ouvrages, notamment les fameuses Stances de Dzyan[1], incorporées dans la Doctrine Secrète, et la Voix du Silence. Ces textes contiennent bien des passages qui sont manifestement « interpolés » ou même inventés de toutes pièces, et d’autres qui ont été tout au moins « arrangés arrangés » pour les accommoder aux idées théosophistes quant à leurs parties authentiques, elles sont tout simplement empruntées à une traduction de fragments du Kandjur et du Tandjur, publiée en 1836, dans le XXe volume des Asiatic Researches de Calcutta, par Alexandre Csoma de Körös. Celui-ci, qui était d’origine hongroise, et qui se faisait appeler Scander-Beg, était un original qui avait voyagé longtemps dans l’Asie centrale pour y découvrir, par la comparaison des langues, la tribu dont sa nation était issue[2].

  1. Dzyan doit être une corruption d’un mot sanscrit, soit jnâna, connaissance, soit dhyâna, contemplation ; Mme Blavatsky a indiqué elle-même ces deux dérivations (la première dans le Lotus de décembre 1887, la seconde dans l’introduction de la Doctrine Secrète), sans paraître se rendre compte de leur incompatibilité.
  2. Voir Correspondance de Victor Jacquemont, t. I, pp. 226-227, 255 et 337.