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mari pour décrocher la timbale : la fiancée du timbalier !

Donc, on avait organisé une tombola. Un grand peintre avait offert un tableau, — le gros lot, — des gens de lettres avaient donné quelques exemplaires de leurs œuvres, ce qui leur faisait toujours un brin de réclame ; des artistes, apporté des études. Puis des potiches, des ouvrages de dame, des broches tifre-fixe, des bouteilles de bénédictine et des flacons d’alcool de menthe Ricqlès complétaient les lots de la tombola.

Les petites Buquet plaçaient les billets.

Elles promenaient leurs écharpes pour danse du ventre dans tous les coins de la plage et du casino, proposant leurs billets de tombola, — un franc le billet, — et offraient leur sourire-réclame comme une prime à tout acheteur.

Pépin Toumyre aidait Jacqueline : il plaçait aussi des billets. Mais son chandail blanc de coureur de vélodrome et sa mèche noire sur l’œil lui donnaient une déplorable allure : l’honnête garçon en cet accoutrement, avait l’air de vendre des cartes postales transparentes.

Pendant huit jours, les baigneurs assaillis par le quatuor, relancés et traqués comme cerfs au bois, vivaient dans la perpétuelle angoisse de voir surgir devant eux ces demoiselles ou Pépin Toumyre. Les écharpes turquoises et le chandail blanc mettaient en déroute les familles dont les membres s’enfuyaient en agitant de loin des papiers roses : « J’en ai déjà ! »

Ils en avaient tous déjà !

Malou, désireuse de se montrer généreuse, arrêta Jacqueline pour lui demander cinquante billets.

— Plus que quarante-neuf, madame Rosay. Mais ça ne fait rien, je vais vous donner un des miens : j’en ai six.

Elle se fouillait, pressée, appelée par la maman Buquet et tendait un billet rose plié, sorti d’un porte-cartes.

Malou dépliait le papier, remarquait quelques lignes écrites au recto et lisait :