Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher, où le commissaire de police venait de constater contre lui le flagrant délit d’adultère, le prince avait demandé pardon à sa jeune amie et que celle-ci, en laissant tomber sa tête sur son épaule, lui avait répondu : N’êtes-vous pas le maître ; ne suis-je pas la servante ?

C’était là, de la part de l’enfant, plus qu’un acte de soumission, c’était l’aveu du sentiment qui avait envahi tout son être, sentiment contre lequel elle ne cherchait pas à lutter, amour profond auquel sa pureté même la livrait sans défense.

Si chaste qu’eût été cet abandon, Pierre en avait été profondément troublé ; il s’était rappelé que, quelques instants auparavant, au moment où on avait frappé à la porte de son appartement et alors qu’elle avait pu croire qu’il courait un danger, Véra lui avait jeté ses bras nus autour du cou.

Cependant il avait mis fin doucement à cette étreinte et s’était efforcé de calmer la pauvre affolée, en l’assurant que ni lui ni elle n’avaient rien à craindre ; puis, après avoir rappelé auprès d’elle sa femme de chambre, il l’avait engagée à se remettre au lit.

Ainsi que d’ordinaire, la douce créature s’était soumise, mais il est aisé de comprendre quelle triste nuit elle avait passée.

Quant au mari de Lise, il s’était retiré chez lui où, bientôt, en réfléchissant à ce qui venait d’avoir lieu, il se sentit tout mécontent de lui-même, bien qu’il eût atteint le but qu’il s’était proposé. Mais avait-il le droit de choisir, pour complice, cette vierge, qui, maintenant, était à jamais compromise, et dans le cœur de laquelle il avait éveillé, il n’en pouvait plus douter, des sentiments qu’il lui était interdit de partager ? Que répondrait-il à Soublaïeff, lorsque ce père, qui avait eu confiance en l’honneur de son maître, lui demanderait compte de l’honneur et du bonheur de sa fille ? N’avait-il pas tout fait pour que Véra crût à son amour, et n’était-il pas de son devoir de la détromper ? Mais alors que penserait-elle de lui ?

Comment, il serait obligé de lui dire qu’elle n’avait été entre ses mains qu’un instrument bon à briser dès qu’il