Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant, ces salons où elle mettait le pied pour la première fois ; ses beaux yeux verts, aux reflets d’émeraude, ne se baissèrent pas sous les éblouissements de ce monde qu’ils n’avaient jamais vu, mais qui, sans doute, lui avait été soigneusement dépeint.

Cette sorte d’indifférence de Lise Barineff sembla un charme de plus à ceux que sa beauté avait brusquement séduits, mais pour un observateur moins enthousiaste, elle eût été aussitôt un curieux sujet d’étude. Digne enfant de l’ex-actrice du théâtre Michel, cette débutante jouait-elle habilement un rôle longtemps appris et répété ? Était-elle vraiment ce qu’elle paraissait être ?

Sous cette poitrine déjà développée, que la gaze masquait chastement, ne battrait-il pas bientôt un cœur ardent ? Sous ces sourcils finement dessinés, mais d’une couleur plus foncée que celle des cheveux et qui se rejoignaient, par un duvet imperceptible, à la naissance d’un nez droit, aux ailes mobiles, quelles pensées ambitieuses ou passionnées sommeillaient ? Sous ce teint mat, qui était plutôt d’une brune que d’une blonde, quel sang chaud circulait ? Virginale sur le front et aux tempes, sa luxuriante chevelure se révoltait sur sa nuque charnue en boucles dorées et provocantes. Diane, murmuraient les admirateurs de Lise Barineff. Tout simplement Psyché attendant Éros, aurait répondu un physiologiste sceptique.

Moins d’un mois après cette première épreuve si victorieusement subie par sa fille, la comtesse ouvrit sa maison aux épouseurs. Ils se présentèrent bientôt en foule, car on savait que Lise Barineff n’était pas seulement une fort jolie personne, mais encore une excellente musicienne et une femme érudite, spirituelle, parlant purement trois ou quatre langues.

Parmi ces prétendants patronnés par Podoï, prétendants dont Lise avait accueilli les hommages avec une satisfaction d’amour-propre bien naturelle, mais sans paraître en distinguer aucun, l’un d’eux fut rapidement placé hors concours par la comtesse. C’était le prince Pierre Olsdorf, riche propriétaire foncier de la Courlande