Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/149

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Mais Pierre Olsdorf, effrayé de son mouvement, ne lui laissa pas le temps de prononcer une seule parole.

— Calmez-vous, ma chère enfant, lui dit-il vivement, autant des yeux que de la voix et en prenant ses deux mains dans les siennes, votre père sait quel service immense vous m’avez rendu, et je lui ai dit combien je compte encore sur vous. Vous le saurez demain. En attendant, installez-vous ici, au château, où vous demeurerez désormais ; mon brave Alexeï y consent. Je vous laisse avec lui. À demain !

Sans attendre qu’elle ait eu le temps de lui répondre, après l’avoir rassurée par une affectueuse étreinte, il s’éloigna rapidement.

— Pauvre prince, dit Soublaïeff à sa fille, en se rapprochant d’elle, comme il est malheureux ! Qui aurait pu prévoir ce qui est arrivé. Maintenant, il veut s’éloigner de Pampeln qui lui rappelle de si tristes souvenirs !

— S’éloigner, s’écria Véra, ne pouvant rester maîtresse d’elle-même ; s’éloigner ! Où veut-il donc aller ?

— Je l’ignore. Loin, bien loin, m’a-t-il dit lui-même. Mais qu’as-tu donc ?

La malheureuse était devenue d’une horrible pâleur ; elle se soutenait à peine.

— Rien, rien ! répondit-elle en faisant un effort surhumain pour ne pas se trahir davantage. La fatigue du voyage sans doute. Permettez-moi d’aller me reposer ; mais à demain. À demain, n’est-ce pas ?

— Oui, ma chère Véra, à demain. J’ai promis au prince de venir prendre ses instructions dans la matinée. Je retourne à Elva ; toi, passe une bonne nuit et tu seras vaillante en te réveillant comme si tu n’avais fait quatre cents lieues.

Et l’excellent homme, après avoir tendrement embrassé sa fille, se retira.

La nuit commençait à tomber ; ces grands portraits des ancêtres des Olsdorf qui ornaient les murailles de la salle d’armes ; ces armures debout, comme recouvrant encore ceux qui les avaient portées autrefois, ces ombres bizarres, que les dernières lueurs du jour multipliaient à tra-