Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/173

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vous trompe ? Non, ne le croyez pas ; il est jeune, il a besoin d’air, de mouvement, et d’ailleurs :

Il est bon qu’un mari nous cache quelque chose,
Qu’il soit quelquefois libre et ne s’abaisse pas
À nous rendre toujours compte de tous ses pas.

— Je ne suis pas la femme de Polyeucte et je n’aime point Sévère, fit Lise en souriant tristement à cette citation du vieil acteur, et j’ai peur que ce ne soit pas son Dieu que M. Meyrin me préfère. Cependant, peut-être avez-vous raison tous deux ; sans doute je m’alarme à tort. Allons, ne parlons plus de cela ; mais vous, ne m’abandonnez pas, car je ne saurais alors que devenir.

Marthe ne lui répondit qu’en l’embrassant avec tendresse, et Dumesnil qu’en baisant les deux mains qu’elle lui tendait.

Hélas ! le mal était encore plus grand que Mme  Daubrel et le brave comédien ne le craignaient. En effet, quelques jours plus tard, pendant que Paul était sorti, Lise recevait le billet suivant :

« Si vous voulez savoir comment M. Meyrin emploie son temps, vous n’avez qu’à vous en informer, 37, boulevard de Clichy, à son nouvel atelier, où la belle Sarah Lamber, votre rivale d’autrefois, passe toutes ses journées. »

À la lecture de ces épouvantables lignes, l’infortunée devint d’une pâleur de morte. Cependant elle ne jeta pas un cri, ni ne versa une larme, mais reprenant bientôt possession d’elle-même avec une étrange énergie, elle se coiffa en une seconde, s’enveloppa par-dessus son peignoir d’un manteau de fourrure, passa dans l’atelier où elle prit un revolver qu’elle savait chargé, puis sortit pour s’élancer dans la première voiture qu’elle rencontra, en ordonnant au cocher de la conduire à cette adresse qu’elle venait de recevoir.

Dans ses mains tremblantes, qu’elle n’avait pas songé à ganter, elle froissait ce billet maudit, le relisait, l’épelait, comme pour y puiser encore plus de colère et plus d’indignation.