Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/176

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un mensonge, une calomnie ? Alors, à travers ses larmes, larmes d’amour et d’indignation tout à la fois, elle relisait ces lignes maudites et ne voulait plus douter.

Ce billet anonyme, infâme, ne disait que trop la vérité.

Quelques semaines à peine après les couches de sa femme, à l’époque où il débutait timidement dans ces conseils de réforme suggérés par sa belle-sœur, Paul Meyrin, que ses amis visitaient moins, s’était mis à courir un peu les ateliers de ses confrères. Lorsqu’il n’était pas sous l’influence des idées de Mme Frantz, il se trouvait chez lui mal à l’aise, embarrassé, honteux. La douce obéissance de Lise à ses moindres désirs, son soin de ne plus être qu’une bonne bourgeoise, mère de famille, sa simplicité, tout cela lui causait une sorte de remords, et sa vanité en éprouvait d’inconscients regrets ; mais comme, par faiblesse autant que par orgueil, il n’osait revenir sur ce qu’il avait dit, il s’enfuyait.

Tout d’abord cela lui parut étrange de se retrouver dans ce monde qu’il avait déserté depuis trois ans. Il y rentra avec ces hésitations, ces étonnements qu’éprouve le voyageur en revoyant, après une longue absence, des lieux dont il a oublié les mœurs et dont la langue ne lui est plus familière ; mais il reprit bientôt plaisir à ces cancans, à ce sans-gêne, à tous ces bruits d’atelier qui lui rappelaient une époque insouciante et joyeuse.

Chaque jour, c’était une rencontre nouvelle de camarades d’autrefois, de vieux modèles, de femmes ayant posé devant lui. Quelques-unes même avaient été ses maîtresses. On le recevait partout bras et cœurs ouverts. On évoquait les souvenirs d’antan, on plaisantait sur tous et sur tout, on tuait le temps en travaillant un peu ; et l’inconstant ne se souvenait plus, pendant des heures entières, qu’il était marié et père de famille. Rapidement, il reprenait goût à cette vie facile, qui avait été la sienne avant son départ pour la Russie.

Toutefois, après ces fâcheuses excursions, il n’en rentrait pas moins chez lui fort exactement, et même les soirs de ces jours-là où il avait le plus oublié les siens, il se montrait après de Lise si affectueux, si prévenant, comme