Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/210

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terton, et Mme Daubrel, qui l’avait présenté à sa mère, lui laissa trop vite si bien voir le plaisir qu’elle avait à l’écouter, qu’il ne tarda pas à se croire le droit de lui faire une cour assidue.

Robert n’en était pas à ses premières armes en galanterie ; il débuta habilement auprès de la jeune femme en lui jurant un amour désintéressé, pur, immatériel. Il ne voulait l’aimer que comme une sœur ; il ne lui demandait que de se laisser adorer à genoux. La pauvre ignorante entendait pour la première fois de semblables paroles, elle y ajouta foi de toute son âme, et l’aventure se termina comme se terminent toutes les luttes des inexpérimentées contre les hardis. Marthe succomba, en se donnant pour excuse qu’elle avait droit, elle aussi, à sa part de paradis sur la terre, et que c’était l’isolement de son cœur qu’il fallait accuser de sa chute.

Bref, lorsque Mme Daubrel revint à Paris, elle avait un amant. Sa vie, dès cette époque, ne fut plus qu’une succession de folles ivresses, de mensonges et de terreurs. Peu faite, en somme, pour les grandes passions ; trop chaste, malgré sa faute, pour ne pas se montrer auprès de son mari plus réservée qu’autrefois, elle ne sut pas assez dissimuler, fit naître des soupçons, et bientôt la trahison d’une misérable servante, à laquelle elle s’était confiée, brusqua la catastrophe qui, d’ailleurs, était fatale.

M. Daubrel n’était ni un violent ni un homme romanesque, mais tout simplement un honnête homme ; il refusa d’abord de croire à cet épouvantable malheur venant si brusquement l’atteindre après quatre ans de la plus douce quiétude, mais il surveilla sa femme, acheta la correspondance de Robert à la domestique qui avait déjà vendu sa maîtresse, et lorsqu’il eut acquis la certitude qu’il était trompé, rempli de mépris plutôt que de colère pour la coupable, il la fit surprendre en flagrant délit d’adultère et conduire à Saint-Lazare.

Un mois après, Marthe et Robert étaient condamnés à trois mois de prison et un jugement du tribunal civil pro-