Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/214

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événements avaient transformée en compagne d’un peintre presque célèbre, Dumesnil n’avait peut-être ressenti d’abord qu’une satisfaction toute de vanité et, sans se trahir, il s’était un peu imposé dans cette maison, où d’ailleurs, nous l’avons vu, on lui avait fait le plus affectueux accueil ; mais son amour paternel, dans l’acception la plus élevée du mot, s’était réellement réveillée aux souffrances de l’abandonnée, et il s’accusait maintenant de tous les malheurs qui l’avaient successivement atteinte.

Pourquoi s’était-il tu lorsque Mme  Froment avait épousé le comte Barineff ? N’aurait-il pas dû à cette époque redemander sa fille ? Était-ce bien réellement par souci de son avenir qu’il avait accepté qu’elle fût adoptée par le mari de son ancienne maîtresse ! La vanité n’avait-elle pas été pour beaucoup dans cette concession ? De plus, n’avait-il pas craint un peu de se charger d’un enfant aussi jeune ? Il s’était rendu là coupable d’une mauvaise action qu’il ne pouvait se pardonner. Bien certainement, s’il avait gardé Lise près de lui, elle serait devenue une grande artiste, et il ne la verrait pas aujourd’hui mourante, seule, séparée de ses enfants, sans époux et désespérée.

Voilà ce que Dumesnil ne cessait de se répéter avec remords.

On eût dit que Mme  Meyrin lisait dans le cœur de l’excellent homme et qu’elle en savait plus qu’il ne le supposait, car, chaque jour, comme pour se punir doucement elle-même de l’avoir trouvé un peu ridicule lorsqu’elle avait commencé à le connaître, elle se faisait de plus en plus charmante pour lui.

Jadis, quand il arrivait, elle ne lui tendait que la main ; maintenant, elle lui offrait son front à baiser, et c’était auprès d’elle qu’il devait s’asseoir les jours où elle pouvait dîner à table. Elle flattait ses goûts, ses manies en lui causant théâtre, en mettant la conversation sur ses auteurs favoris, en lui rappelant ses succès et sa jeunesse, et même en provoquant de sa part quelques-unes de ces citations poétiques dont il était si grand amateur.