Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/218

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vous. Épouse sans mari, mère sans enfants, elle est digne de votre pitié. Sa mère elle-même l’abandonne et il ne vous reste que bien juste le temps de lui pardonner.

« Vous ne pouviez, certes, lui infliger un châtiment plus terrible que de l’unir au misérable qui lui avait fait oublier ses devoirs. M. Paul Meyrin vous a odieusement vengé. Il sait sa femme mourante et reste à Rome auprès de cette fille, cette Sarah Lamber, qui ne lui permet pas de venir fermer les yeux de celle dont elle a brisé le cœur et la vie. Aurez-vous le courage, vous, de lui refuser le dernier baiser de ses enfants ? »

Le prince n’avait pas répondu et Mme  Daubrel craignait que ses lettres ne lui fussent pas parvenues, car il résultait des renseignements qu’on lui avait donnés à l’ambassade de Russie que, depuis trois ans, Pierre Olsdorf n’avait pas reparu ni en Courlande, ni à Saint-Pétersbourg.

On savait seulement que, peu de mois après avoir quitté la Russie, il avait visité l’Égypte, le Zanzibar, le Mozambique et s’était ensuite dirigé vers le Japon, par Bourbon, l’île de France et de détroit de la Sonde.

Désespérée, Marthe s’était alors décidée à s’adresser à Véra Soublaïeff pour la supplier d’amener à Paris Alexandre et Tekla, et elle avait reçu d’elle une lettre des plus touchantes.

Après lui avoir dit que les dernières nouvelles de son maître étaient datées de Calcutta et que, d’après l’itinéraire se son voyage, il ne devait pas tarder à arriver à Bombay, la fille du fermier d’Elva écrivait, en évitant toujours avec délicatesse d’appeler du nom de son second mari celle qu’elle avait connue princesse Olsdorf :

« Madame, plaignant plus que personne, du fond de l’âme, Mme  la comtesse Lise Barineff, je voudrais apporter un soulagement à ses souffrances. Je n’ai pas oublié l’affection qu’elle daignait me témoigner lorsque j’étais jeune, et me souviendrai toujours des déchirements de son cœur de mère quand elle est venue se joindre à moi pour soigner son fils et qu’elle a dû partir de Pampeln, seule, en n’emportant que le souvenir de la dernière caresse de ses chers petits.